Turin : premier été sans les Murazzi

Iris Vigier
29 Juillet 2013



Déçus ou soulagés, la disparition des Murazzi, lieu reconnu de la vie nocturne turinoise, ne laisse personne indifférent dans la capitale piémontaise. Entamée en octobre dernier, la procédure de fermeture de ces bars et centres autogérés prend désormais un autre tournant avec la venue de l'été.


Crédit Photo - www.arte.it
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En se baladant sur les rives du Pô, impossible de manquer les locaux des Murazzi. Durant la journée, les façades taguées et les portes d'entrée délabrées attirent l'œil. À la tombée de la nuit, avant leur fermeture, l'endroit se transformait en place privilégiée de la vie nocturne de Turin. Boites de nuit, bars dansants, cafés-concert se mélangeaient, créant une atmosphère singulière depuis près de vingt ans. Souvent autogérés, ces locaux permettaient de passer une soirée à moindre frais tout en découvrant le côté plus alternatif de la capitale piémontaise. Contrairement aux autres boîtes de nuit du centre, l'entrée des Murazzi était gratuite. Connus des touristes, et appréciés des jeunes Turinois, il était possible d'y découvrir certains artistes prometteurs de la région. Les portes d'entrée restant grandes ouvertes le soir venu, les Turinois avaient la possibilité de boire un verre en face du Pô et de danser à proximité du fleuve. Une activité qui était particulièrement agréable durant la saison estivale.

Compromis depuis 2005, le sort des Murazzi a basculé en octobre dernier. Des riverains se sont regroupés pour se plaindre des nuisances que ce lieu créait. La ville de Turin a ensuite déclaré que les Murazzi devraient fermer. En outre, de strictes conditions furent imposées à leur potentielle réouverture. Selon les déclarations officielles, ces lieux seraient propices au développement de la délinquance. De nombreux bars ne seraient pas en règle avec la ville, propriétaire des lieux. La décision repose également sur d'autres problèmes : des loyers impayés, des permis d'exploitation invalides et des mauvaises gestions des fonds. Ainsi, même les organisateurs du Torino Jazz Festival n'ont pas pu obtenir l'autorisation d'utiliser les Murazzi.
 

Mécontentement et incompréhension

Cette fermeture soudaine a bien évidemment entrainé un mouvement de contestation à Turin. La page Facebook créée en soutien aux Murazzi rassemble désormais près de 14 000 personnes, tous consternées par la disparition de ces lieux de vie nocturne. Des manifestations ont été organisées dans les rues de Turin, et le Centre Social Autogéré (CSA Murazzi) a été occupé à plusieurs reprises. Fin juin, ils étaient près de 1 500 à s'y retrouver. Ces derniers reprochent aux autorités de vouloir anéantir la vie nocturne turinoise, et les accusent d'avoir rendu une décision injustifiée.

La ville ne compte pas revenir sur sa décision, elle a pris d'autres mesures allant dans le même sens. Les priorités de la mairie sont bel et bien ailleurs, comme le montrent les travaux interminables de la gare Centrale. Un véritable réaménagement de la ville semble en cours. La vie culturelle et nocturne n'apparaît pas comme étant au cœur des préoccupations des décideurs turinois. Ainsi, en plus de la fermeture des Murazzi, l'ouverture de nouveaux commerces sera désormais interdite dans certains quartiers pendant un an. Dans d'autres, seuls les magasins considérés comme « de qualité », et qui fermeront avant la nuit, seront autorisés. Avec la fin des Murazzi, c'est un peu de l'âme de Turin qui s'en est allée. Il serait parfaitement dommage de voir Turin, qui a eu tant de mal à se détacher de son image de ville terne et industrielle, devenir un lieu triste et peu animé, une fois la nuit tombée.
 

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